Valerie Pelazzo-Plat : « Ici, j’ai trouvé un équilibre »

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La démarche est discrète, son phrasé réservé : pourtant moins timide que mesurée, Valérie a l’allure de ces femmes délicates, sensibles et soucieuses de se préserver. Fascinée par la création artistique et par tout ce que l’imagination permet de façonner, elle se plaît à arpenter galeries et musées – ces « lieux refuges » – espaces calmes et singuliers, où il est toujours une œuvre avec laquelle converser. Poser des mots sur des images, mettre des images derrière les mots ; une habileté, sans doute, que son passage en classe préparatoire littéraire lui a laissée.

Ce qui est certain, c’est qu’à force de s’être consacrée à l’étude des caractères – des signifiants aux signifiés -, Valérie n’est pas du style à les prendre à la légère : « J’aime le poids des mots et tout ce qu’ils peuvent contenir à la fois. J’aime les associer, les dissocier, les traduire, et prendre le temps de les choisir. C’est sans doute pour cela que je suis plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral », admet-elle. Si elle comptabilise huit années d’engagements à l’Université Jean Moulin et près de treize ans à l’iaelyon, le fil du parcours de cette diplômée d’une double Maîtrise AES et LEA n’a pas toujours été conducteur. Avec un plaisir non dissimulé, l’actuelle Directrice de Cabinet revient sur son statut d’équilibriste et cette tendance à avancer « à l’instinct, et au coeur » : « M’investir à fond dans mon travail ne m’a jamais fait peur. Même quand mes trois enfants étaient en bas âge ! C’est vrai que je suis très attachée à cette notion d’équilibre car dans toutes mes décisions, je sais m’écouter, me réserver des moments d’oxygène et des temps de respiration ». L’arrêt Sans Souci a longtemps été – comme son nom l’indique – le repère confortable et rassurant de cette élève assidue, mais c’est à l’étranger que Valérie partira terminer ses études et décrocher son passeport pour la vie active : « À un moment, j’ai ressenti le besoin urgent de partir, de vivre un détachement… »

L’Angleterre, d’abord ; une vie rythmée par les révisions, le sport, les promenades solitaires « le long du bel étang » ainsi que les rencontres avec les autres étudiants : « Un Indien, un Turc, un Belge, un Allemand, un Jordanien… La diversité sous toutes ses formes ». Les États-Unis, ensuite, où son ambition la pousse à entreprendre un MBA et à se spécialiser dans la communication et la publicité : « Les années de césure, c’est le genre de coupure qui donne l’occasion de partir pour mieux se connaître. J’en suis rentrée grandie, confiante, plus affirmée ». Le visage au creux de sa main, Valérie marque un silence nostalgique et laisse le soin à son regard de passer en revue nombre de souvenirs dont elle ne semble toujours pas revenue. Washington, « la vie de campus », où la bibliothèque ouverte toute la nuit côtoie les multiples laboratoires de langues, « tous ces lieux qui brassent du savoir… » Si Valérie aime apprendre, comprendre et tirer des enseignements, loin d’elle l’idée de travailler un jour dans ce secteur « même celui du supérieur » ! Alors qu’elle effectue un stage dans une agence de communication lyonnaise, la Chargée de Clientèle tout terrain, appréciée pour sa conscience professionnelle et sa maturité, ne tarde pas à être embauchée. Fiabilité, fidélité, celle qui accompagnera même son premier employeur jusqu’au dépôt de bilan, ne tardera pas à prouver que, sans stratégie, la lettre F peut compter double sur le tableau des expériences de vie : « Chez moi, la notion de continuité est vraiment très importante. J’ai gardé les mêmes amis depuis le lycée, je suis toujours en lien avec ce Directeur… Aujourd’hui certains de mes professeurs sont devenus mes collègues et je travaille pour l’Université dans laquelle j’ai été formée… ».

« Éternellement » reconnaissante de cette « chance extraordinaire » que lui a offerte le programme et la convention d’échange de l’iaelyon, Valérie ne tarit pas d’éloges sur la formation. En particulier sur le service des relations internationales, dans lequel elle accepte sans hésiter de travailler : « On m’a proposé de le rejoindre au moment où je cherchais un emploi. À cet instant, j’avais un véritable sentiment de fierté, celui de pouvoir faire ce que d’autres avaient fait pour moi ». Convaincue qu’il ne s’agira que d’une parenthèse « d’une ou deux années », c’est ici, et sans chercher à le ponctuer, que s’écrira le plus long chapitre de sa vie professionnelle. Responsable des Programmes Internationaux puis Chargée de projets à l’Université, Directrice de Cabinet à l’iaelyon, Valérie acquiert une vision globale de l’établissement, indispensable à la connaissance de la stratégie de développement. Si elle récapitule avec aplomb ses missions et ses évolutions sur les dix-neuf dernières années, voilà que Valérie se met à douter de la véracité des faits : « Dix-neuf ans ! Jamais je n’aurais pensé rester aussi longtemps au même endroit ! Je n’ai pas vu le temps passer… On en revient à cette notion d’équilibre entre repères et nouveautés. Cet équilibre, je l’ai trouvé ici ».

Je trouve totalement faux de dire que ‘‘C’était mieux avant’’ !

Lancements de projets, multiples soirées réseaux, échanges avec les institutions culturelles de la région : qu’il s’agisse de fédérer, de créer du lien ou encore de mêler culture projet et culture d’entreprise, son esprit malin l’a faite passer maître dans l’art de décloisonner : « Quand nous réunissons nos diplômés autour du projet ‘‘Art et Management’’, quand je rencontre la Directrice du musée des beaux-arts de Lyon ou de la Biennale de la danse… Je me régale toujours ! J’ai beaucoup de chance ! », lance Valérie avant de se reprendre : « Je suis toujours en train de dire que j’ai de la chance ! C’est vrai que j’en ai, mais sans doute l’ai-je un peu provoquée… » De son quotidien et de la richesse de ses activités, cette femme de lettres a d’ailleurs fini par puiser « tout un tas de petites histoires » qui ont pour habitude de faire rire son cercle d’amis, et qu’elle envisage de coucher un jour sur papier. En attendant de relever ce défi éditorial, comme tous les créatifs dans l’âme, Valérie continue de s’imprégner de ces belles ondes et de participer au maintien de l’ambiance familiale de l’iaelyon. Car aujourd’hui encore, elle reste marquée par « ce bouillonnement, cette effervescence, cet entrain, cette générosité » qui l’ont accueillie à son arrivée, ainsi que par la qualité de la relation avec sa Direction et son Adjoint : « J’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi généreux que Manuel Sanchez… Il faut dire qu’il est assez unique… ». Valérie pourrait bien être taxée d’une vision romantique ou trop idéaliste, mais qu’importe. Il n’y a pour elle qu’une quête assumée à mener : celle de la singularité et de l’authenticité. Dans ces couloirs, qu’elle a jadis empruntés pour rejoindre l’amphithéâtre ou les cours de travaux dirigés, elle regarde parfois ces élèves sortir du rang, d’un pas décidé : « Ça m’émeut toujours. Aujourd’hui, ils pourraient être mes enfants », dit-elle en plaisantant. Et d’ajouter, plus sérieusement, « Ils n’ont pas à céder à la pression sociale ou à cette crainte de suivre un chemin tout tracé. Lorsqu’on arrive à l’Université, on est en pleine découverte de soi ; je trouve qu’il n’est pas forcément nécessaire de brimer cette découverte avec une idée fixe ou un métier. Le plus important, c’est d’identifier ses appétences et l’environnement dans lequel on se sent à l’aise. Le mien, c’est ici ! », conclut-elle.

Elle qui s’est un jour imaginée psychologue ou écrivain, qui a obtenu un Baccalauréat Littéraire mais s’est inscrite en option mathématique, elle qui a étudié les langues et le management pour travailler dans la communication et la publicité, elle qui s’est finalement moins souciée de chercher ce qu’elle pouvait devenir que de trouver ce qu’elle pouvait aimer, ne peut s’empêcher de relativiser sur le déterminisme et la pertinence des grands boulevards que l’on suit sans conviction : « Je peux bien entendu faire des liens entre ce qui m’a amenée à faire telle ou telle chose, mais c’est toujours a posteriori qu’on y arrive. Finalement, je suis quand même loin des parcours linéaires qu’on nous demande de projeter dès la sortie du Lycée ». Supportrice de cette jeunesse qui fait aussi la force de l’iaelyon, elle complète : « Je trouve totalement faux de dire que ‘‘C’était mieux avant’’ ! Je n’aime pas tout ce qu’on entend sur les générations X ou Y, ceux qu’on appelle les ‘‘zappeurs’’. Moi, j’ai foi en ces étudiants dynamiques, impliqués, organisés, qui ont un vrai système de valeurs et qui sont capables de défendre des causes très sérieuses ! » Parallèlement à ces nombreux artistes qu’elle découvre et apprécie parce qu’ils ont eu l’audace de créer à partir de matériaux bruts ou transformés, ce que semble applaudir Valérie, au fond, ce sont surtout ceux qui interrogent, avec panache, leurs places et leurs fonctions.

« think large » est le slogan de l’iaelyon, que vous évoque-t-il ?
« La notion d’accueil, de nouveauté, de différence et d’ouverture. Cette capacité à décloisonner ! »

Et s’il fallait faire le portrait de l’iaelyon ?
« Une personnalité bouillonnante et toujours en mouvement ! »

© TRAFALGAR MAISON DE PORTRAITS – 2017

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