Cap sur l’ubérisation de l’emploi

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A travers le cas de la société Addworking, sorte de « pôle emploi des travailleurs indépendants », Marielle A. Payaud et Jordan Vazquez, chercheurs à l’Université Jean Moulin Lyon 3 (UJM), ont étudié le phénomène récent que constitue l’ubérisation de l’emploi. Un cas pédagogique développé dans le blog THINK LARGE de l’iaelyon.

Qu’est-ce que l’ubérisation ?

Le sujet est sensible parce que, jusque-là, l’ubérisation n’est pas seulement synonyme de liberté (d’organisation, de choix, etc.), de flexibilité, de rapidité, mais aussi de précarité, d’absence de protection sociale. Tout dépend du point de vue du-quel on se place : entrepreneur ? consommateur ? travailleur ?

D’un point de vue entrepreneurial, il est réjouissant de constater que notre société permette de créer des entreprises différentes, cela suppose une certaine liberté d’action.

Pour le consommateur, l’ubérisation est plutôt positive : elle donne accès à un service à un prix soit inférieur, soit identique mais de qualité supérieure, plus simple et quasi-instantané. Le client « consomme » dans un environnement de confiance car il dispose des évaluations des professionnels par les utilisateurs ; enfin, les paiements sont maîtrisés.

Du point de vue du travailleur qui délivre la prestation, la réponse est plus délicate. Rappelons que les professionnels ont le statut d’auto-entrepreneurs, avec tout ce que cela entraîne en termes d’avantages et d’inconvénients (protection sociale, congés payés, absence de revenus stables, accès à la formation plus difficile, etc.). Sont-ils contraints de faire appel à ce type de travail précaire ? Est-ce un emploi principal ? Un revenu complémentaire de confort ou de survie ? Faut-il se réjouir de cette possibilité ? En tout cas, les systèmes de protection sociale doivent se réinventer pour cette nouvelle économie !

L’ubérisation peut-elle toucher tous les secteurs d’activité ? Se dirige-t-on vers une généralisation d’une économie de freelancers ?

La plupart des secteurs peut être concernée, sauf les services faisant appel à des infrastructures lourdes comme le transport aérien, maritime, la distribution d’énergies, qui nécessitent des réseaux techniques. Tout reste à inventer, nous assistons aux premiers frémissements de l’économie ubérisée, on voit même des tentatives dans le secteur médical, mais l’ordre des médecins veille. L’innovation sera dans l’offre, dans l’usage, la législation devra suivre pour que personne ne subisse. Est-ce possible ?

En quoi la société Addworking peut-elle être perçue comme un acteur de l’ubérisation de l’économie ?

A l’instar des entreprises pionnières de l’ubérisation (Uber dans le domaine du transport de personnes, AirBnB dans le domaine de l’hôtellerie), Addworking a centré sa stratégie sur le développement d’une plateforme dématérialisée de mise en relation entre des entreprises et des prestataires indépendants. La relation contractuelle entre les deux parties est gérée en totalité via cette plateforme, qui certifie en outre la véracité des profils enregistrés. Pour l’entreprise cliente, outre une grande flexibilité, cette solution permet de disposer d’un accès (presque à la carte) à une multitude de compétences. Pour le prestataire indépendant, la plateforme d’Addworking fait office de levier dans le cadre d’une recherche d’emploi ou pour générer des revenus supplémentaires.

Si l’on en juge par sa croissance, Addworking répond à un vrai besoin…

En janvier 2019, Addworking a réalisé une levée de fonds à hauteur de 1,2 millon d’euros. L’entreprise était déjà parvenue à lever 600 000 euros un an plus tôt. Une preuve que le concept qu’elle propose aiguise l’appétit des investisseurs. Son chiffre d’affaires est passé de 1,4 millon d’euros en 2017 à 6 millons d’euros en 2018.

En France, les travailleurs indépendants représentent 11,5 % des actifs. Une part non négligeable mais largement en deçà de celle de leurs homologues américains qui culmine à 33 %, selon la Freelancers Union. De nombreux analystes considèrent que la proportion des travailleurs indépendants français va forte-ment croître dans les années à venir. Le journaliste Jean Pierre Gaudard estime ainsi que nous entrerons bientôt dans l’ère de « l’artisanat de masse ». Pour les entreprises comme Add-working, il s’agit d’une opportunité considérable. Addworking envisage ainsi de doubler sa masse salariale d’ici fin 2019.

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