Repenser l’outillage du manager

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Après une période dominée par les outils et grilles de contrôle dédiés à la performance économique, le management se renouvelle autour des soft skills et des nouveaux modes d’organisation. Des avancées que l’iaelyon incrémente dans ses enseignements.

« Il faut parfois beaucoup de temps pour que la recherche se matérialise dans l’entreprise, prévient Catherine Glée-Vermande, maître de conférences en Sciences de gestion et directrice du Master ressources humaines et organisation. Ainsi, le rôle de l’affectif et des émotions au travail dans l’univers managérial, jusque-là dominé par le principe de rationalité que « l’organisation scientifique du travail » selon Taylor pousse à l’extrême, fait l’objet de travaux depuis plus de vingt ans. La mondialisation et ses exigences de performance pour rester compétitif dans un environnement de concurrence exacerbée n’ont fait que renforcer ces principes tayloriens.

L’enjeu du management est de créer un espace éthique

Une kyrielle d’outils de reporting, de mesure de la qualité, des coûts, de gestion de production, et d’outils de management RH comme les entretiens d’évaluation, le suivi de formation, le taux de diversité…, ont été développés, pour aboutir à une « embolie d’organisation et des managers distraits de leur fonction première par des machines de gestion », ajoute Pascale Levet, professeure associée. Selon l’ex-directrice scientifique de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), nous avons pris conscience, entre 2008, apogée des suicides chez France Telecom et 2013, date des négociations sur la qualité de vie au travail, qu’il fallait « désempêcher le travail des managers, c’est-à-dire leur redonner de l’autonomie et une vraie capacité de décision » au lieu de les reléguer au rôle de contrôleur, chargé de vérifier l’exécution des ordres venus d’en haut.

Le virage des soft skills

Un virage a été pris à l’orée des années 2000 avec la prise en compte de plus en plus appuyée des « soft skills », à savoir tout un ensemble de compétences liées au « savoir-être », aux qualités relationnelles et humaines, que l’on appelle aussi l’intelligence émotionnelle.

« Les compétences techniques sont évidemment toujours importantes, rappelle Catherine Glée-Vermande, mais dans un contexte de transformation technologique accélérée par la révolution numérique, cette intelligence émotionnelle se révèle déterminante pour créer un univers de travail performant. Car on s’aperçoit que la performance ne saurait être qu’économique, elle est aussi sociale et sociétale. » Dans le même temps, le rôle du manager évolue vers des formes d’exercice d’une autorité moins mécanique et moins coercitive. On lui demande d’exercer un leadership qui sache se mettre au service de ses équipes. « Les travaux récents présentés dans des congrès aussi sérieux et prestigieux que l’AOM (Academy of Management) portent sur les notions de bienveillance, d’humilité, de pardon… autant de notions jusque-là absentes de l’univers managérial », ajoute-t-elle.

Former les managers à la réflexivité

Cela ne veut pas dire que les managers ne disposent plus d’outils sur lesquels s’appuyer. Mais ils sont revisités, plus légers, agiles et portés sur leur rôle d’animation et de développement des collaborateurs. « De la même façon que nous connaissons un engouement très fort pour les formats de travail de type idéation, créativité, expérimentation, des mesures drastiques doivent être prises pour revoir nos outils de management, souligne Pascale Levet. Il est inutile de faire du reporting hebdomadaire, ou de décider d’un énième changement si le précédent n’a pas été évalué. L’enjeu est d’insuffler le principe de subsidiarité aux managers que nous formons : il faut laisser la responsabilité de la décision aux collaborateurs qui sont au plus près de l’activité. »

L’enseignement dispensé à l’iaelyon se nourrit en permanence de ces notions apportées à la fois par la recherche et par l’expérience de terrain. « Il est important de mettre les étudiants en posture de réflexivité, de leur permettre de développer leurs talents propres et tout particulièrement ceux qui sont liés à ces dimensions humaines car elles contribueront ensuite au fonctionnement vertueux des organisations où ils seront recrutés », conclut Catherine Glée-Vermande.

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